La Costa Verde : un jardin suspendu entre forêt et océan

Entre Rio de Janeiro et São Paulo s’étire une bande côtière saisissante, où les montagnes couvertes de jungle semblent plonger tête la première dans l’Atlantique Sud. C’est la Costa Verde brésilienne, un coin de monde où le vert du feuillage rivalise avec le bleu des criques secrètes, et où le temps semble ralentir… pour mieux nous surprendre. C’est ici que j’ai laissé mes pas s’imprégner de sable fin, d’embruns tropicaux et de récits partagés à la lueur d’un feu de camp. Vous venez ?

De Rio à Paraty : la route s’enlace entre mer et montagne

Départ de Rio, la ville merveilleuse. Mais très vite, on s’arrache à l’agitation carioca. La route BR-101, surnommée « Rodovia Rio-Santos », serpente le long de la côte, dévoilant à chaque virage des panoramas à couper le souffle. On est happé par cette nature exubérante, entre la jungle Atlantique (« Mata Atlântica ») classée au Patrimoine mondial de l’UNESCO, et les plages ourlées de cocotiers.

Quelques arrêts s’imposent :

  • Ilha Grande : accessible en bateau depuis Conceição de Jacareí ou Angra dos Reis. Aucun véhicule motorisé – ici, ce sont les pieds nus, les hamacs et les sentiers ombragés qui mènent à des plages comme Lopes Mendes, une des plus belles du Brésil paraît-il… Et je dois avouer que mes rétines y flottent encore.
  • Mamangua : un fjord tropical (oui, oui !) niché entre collines émeraude et eaux calmes. Les pêcheurs y vivent au rythme de la mer et des cycles lunaires. Grimpez au Pão de Açúcar de Mamanguá, vous y verrez le lever du jour comme rarement ailleurs.

Et puis il y a Paraty, joyau colonial figé dans le temps.

Paraty : entre pavés, poésie et cachaça

Paraty, c’est un petit théâtre vivant, aux rues pavées si inégales qu’on marche forcément lentement, comme pour épouser le rythme du lieu. Les façades blanches aux volets colorés, les églises baroques, les calèches qui trottent entre les passants… tout ici invite à la flânerie. J’y ai découvert une librairie cachée derrière une entrée de pierre, où le patron m’a raconté comment le marabout local prédit la météo à partir du cri des grenouilles. Vérité ou conte de fin de journée ? Le genre de détail qu’on ne trouve pas sur TripAdvisor.

Quelques choses à ne pas rater :

  • Le centre historique : classé, préservé, habité. À marée haute, l’eau de mer s’infiltre entre les rues basses — une idée de l’urbanisme portugais, paraît-il, pour nettoyer les rues. Poétique, non ?
  • Les alambics traditionnels : Paraty est un haut lieu de la cachaça, cette eau-de-vie de canne qui fait les meilleures caïpirinhas. Visitez une distillerie artisanale — avec modération, camarade !
  • La baie vue de la mer : embarquez pour une journée en goélette, de crique en crique, jusqu’à vous sentir l’âme d’un explorateur aperçu dans le sillage d’un dauphin.

Trindade : l’âme bohème entre cascade et cocoteraie

À quelques kilomètres de Paraty, le village de Trindade joue la carte du paradis post-hippie. Ancien repaire de routards, il garde une atmosphère libre, sans filtres. Une poignée de ruelles, des plages ourlées de blocs de granit, et surtout un silence entrecoupé du cri des toucans. J’y ai planté ma tente près d’un ruisseau, accueilli par une femme aux cheveux d’argent qui vendait du pain au fromage local en échange de récits de voyage.

À faire :

  • La Piscina Natural do Cachadaço : une piscine naturelle formée par les rochers, accessible après une petite marche dans la forêt. S’y baigner au coucher du soleil, les poissons en contrejour… je défie quiconque de ne pas en pleurer de beauté.
  • Praia do Meio et Praia do Sono : les chemins forestiers qui y mènent valent le détour à eux seuls. Vous entendrez les singes avant de les voir, et c’est toujours eux qui ont raison de prendre leur temps.

La Mata Atlântica : le poumon oublié

Souvent éclipsée par sa grande sœur amazonienne, la forêt atlantique brésilienne est d’une biodiversité fascinante. C’est une jungle ancienne, fragile, qui grignote montagnes et vallées pour mieux cacher toucans, jaguars, orchidées et papillons géants. Lors d’un trek guidé près de Paraty, notre accompagnateur, Daniel (un instituteur reconverti en guide-naturaliste), s’est arrêté, doigt levé : « Vous entendez le chant du sabia-laranjeira ? Au Brésil, c’est presque notre oiseau national. » Et là, silence. Chants d’eau, soupirs verts, battements d’ailes. Parfois, marcher, c’est surtout écouter.

De nombreux sentiers balisés permettent de découvrir cet écosystème fascinant :

  • Le parc national de Serra da Bocaina : entre Paraty et Cunha, pour les plus aventureux. Camping, cascades et panoramas sur l’Atlantique. Un autre Brésil, loin des plages cartes postales.
  • Réserve écologique de Joatinga : accessible à pied ou en bateau, douze plages et plusieurs villages de pêcheurs y sont reliés par des sentiers à travers la jungle. Pas d’électricité partout. Juste la constellation, pour veiller sur vos rêves.

Saveurs de la côte : entre mer, terre et feu sacré

Impossible de traverser la Costa Verde sans s’asseoir à une table ou sur un muret pour goûter ce qui mijote là où la forêt tutoie l’océan. Ici, la cuisine est un mariage tropical entre les traditions indigènes, africaines et portugaises. Résultat ? Des plats qui chantent le soleil et la mer, à chaque bouchée.

  • Moqueca de peixe : un ragoût de poisson au lait de coco, souvent servi dans une céramique encore chaude, accompagné de farofa (semoule de manioc). Avec du piment et un filet de citron vert, le paradis devient une sensation buccale.
  • Pão de queijo et açaí : pour les pauses rapides. Le premier est un petit pain au fromage étonnamment fondant, le second une baie violette servie glacée avec granola, un régal brésilien venu d’Amazonie mais solidement implanté sur toute la côte.
  • Cachaça artisanale : oui, encore elle ! Mais cette fois incorporée à des confitures ou parfums de glace, pour les curieux du palais.

Quand partir ? Et comment profiter au mieux ?

La Costa Verde se visite toute l’année, mais les mois d’avril à septembre offrent un temps plus sec et donc plus propice aux randonnées, aux baignades sans orage surprise, et au camping en pleine nature. La température reste agréable, autour de 25°C. De décembre à mars, attendez-vous à plus d’humidité… mais aussi à plus de vie (et de moustiques, soyons honnêtes).

Conseils de cabochard baroudeur :

  • Misez sur les bus locaux ou les bateaux pour vous déplacer : c’est économique, et les paysages sont partie intégrante du voyage.
  • Prévoyez sandales, lampe frontale, répulsif anti-insectes… et l’esprit ouvert aux imprévus : c’est lui qui fait souvent naître les meilleurs souvenirs.
  • Apprenez quelques mots de portugais : le sourire des habitants en retour vaut toutes les applications de traduction.

Une chanson verte au creux des vagues

La Costa Verde n’a pas de centre-ville ou de panneau d’entrée. Elle se dévoile au rythme de celui qui l’emprunte, à l’ombre d’une canopée ou sous le ressac d’une crique oubliée. Elle est multiple, vibrante, et elle résonne encore en moi comme le grondement sourd d’un tambour sous la peau.

Alors si un jour vous sentez l’appel du large, mais aussi celui des racines, ce coin de Brésil pourrait bien vous rappeler que tout bon voyage commence avec un pas… et un cœur prêt à s’émerveiller.

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