Paraty. Rien qu’à prononcer ce nom, on sent déjà les embruns du Brésil se mêler aux parfums de canne à sucre et aux échos du fado portugais. Enfoncée entre les montagnes de la Serra do Mar et les eaux transparentes de la baie d’Ilha Grande, cette petite ville coloniale, située entre Rio de Janeiro et São Paulo, est comme un coffre à trésors qu’on aurait volontairement oublié de cartographier. Pourtant, elle recèle mille merveilles pour qui sait bifurquer des sentiers balisés.
Laissez vos Rolex au port, ici le temps se mesure en pas sur les pavés irréguliers et en sourires partagés avec les artisans au seuil de leur échoppe. Paraty n’est pas une ville qu’on visite. Elle est une ville qu’on vit — entre l’histoire des murs, la moiteur de la mata atlantica, et les éclats de rires filtrant des barques au crépuscule. Suivez-moi, je vous embarque dans cette escale brésilienne où la culture danse main dans la main avec une nature bien décidée à reprendre ses droits.
Se perdre dans les ruelles pavées du centre historique
Impossible de commencer ailleurs. Le cœur battant de Paraty, c’est son centre historique, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Une ville-musée, diront certains, mais ne vous y trompez pas : ses rues ont beau être paisibles, elles n’en sont pas moins animées de vie. Les façades blanches soulignées de couleurs vives racontent l’époque où Paraty servait de port d’expédition pour l’or extrait des mines de Minas Gerais. Aujourd’hui, ces maisons accueillent ateliers d’artistes, cafés bohèmes et pousadas fleuries.
Cela dit, marchez prudemment : les pavés sont d’époque, eux aussi. On raconte que les marins qui débarquaient une pinte dans le nez y perdaient souvent chaussures et dignité. Une bonne excuse pour savourer la lenteur… et lever les yeux. Voilà que surgit la silhouette élégante de l’église Santa Rita, icône de la ville, avec sa façade donnant sur la mer.
Savourer la gastronomie locale et goûter à la cachaça artisanale
Paraty, ce n’est pas une ville à visiter le ventre vide. Ici, la mer donne autant que la terre, et l’on y mange une moqueca aux crevettes aussi facilement qu’une feijoada fumante. Le poisson arrive dans l’assiette avant d’avoir eu le temps de vraiment sécher ses écailles, et les fruits tropicaux se déclinent en jus, en desserts, ou directement croqués sous les palmiers.
Mais s’il est une spécialité locale qui mérite qu’on l’arrose dignement, c’est bien la cachaça. Paraty est l’une des capitales de cette eau-de-vie brésilienne produite à partir de canne à sucre. Nombreuses sont les distilleries artisanales qui ouvrent leurs portes aux curieux — la plus célèbre restant sans doute Engenho D’Ouro, où chaque gorgée raconte un morceau de terroir. Petite astuce de vieux loup de mer : demandez la cachaça « prata » pour qu’elle vous gifle amicalement, ou « envelhecida » si vous la préférez avec des notes boisées et vanillées. À déguster avec modération, mais avec passion.
Explorer la baie de Paraty en bateau
Une fois les jambes reposées et le gosier bien hydraté, il est temps de s’aventurer vers l’horizon. Direction la mer et ses dizaines d’îles jonchant la baie comme autant de perles égarées. Le meilleur moyen ? Embarquer à bord d’une escuna, ces bateaux typiques qui vous emmènent flâner parmi les eaux turquoise.
Le clapotis de l’eau, le vent tiède sur le visage, et devant vous, l’île de Comprida, la plage de Lula ou encore l’anse rocheuse de Saco da Velha. Chaque escale est une invitation au farniente ou au snorkeling avec les poissons tropicaux. Et pour les plus chanceux, les dauphins montrent parfois leurs nageoires dans une chorégraphie improvisée. Si vous cherchez un conseil : évitez les tours de masse et privilégiez les sorties en petits bateaux privés, souvent accessibles à plusieurs pour un tarif raisonnable… et avec un capitaine prompt à sortir la guitare quand le soleil descend.
Randonnées et cascades dans la forêt Atlantique
Loin de la mer, c’est une autre nature qui vous attend : la Mata Atlântica, forêt primaire qui escalade les montagnes jusqu’aux nuages. À seulement quelques kilomètres du centre, les sentiers du parc national de la Serra da Bocaina ou la Trilha do Ouro offrent aux marcheurs des paysages à faire vaciller les certitudes d’un citadin : rivières cristallines, orchidées sauvages, toucans moqueurs et singes hurleurs bien décidés à se faire entendre.
Avis aux amateurs de baignade fraîche : ne manquez pas les cascades Tobogã et Poço do Tarzan. Véritables toboggans naturels, elles attirent autant les baigneurs téméraires que les gamins locaux perchés sur les rochers, assurant le spectacle. Installez-vous sur la rive, trempez les pieds, et laissez la nature vous faire les gros yeux. Elle est chez elle ici, pas vous.
Partir à la rencontre des communautés indigènes
Peu le savent, mais autour de Paraty vivent plusieurs communautés indigènes, notamment les Guaranis. Certains villages, comme Araponga ou Paraty-Mirim, accueillent les visiteurs désireux d’en apprendre plus sur leurs traditions, leur rapport aux plantes médicinales, à la terre, au temps.
Il ne s’agit pas de simples arrêts touristiques. Oubliez les selfies et approchez-vous avec humilité. Écoutez leur vision du monde, découvrez leurs artisanats – colliers, peintures, tissus – et savourez cette rencontre rare. Si vous cherchez un guide engagé, plusieurs agences locales proposent des visites solidaires où les bénéfices sont reversés aux communautés.
Participer à un festival local… ou s’y retrouver par hasard
Paraty, c’est aussi un kaléidoscope culturel qui explose à chaque coin d’année. En juillet, le FLIP — Festival International de Littérature de Paraty — transforme la ville en bibliothèque à ciel ouvert. Écrivains, poètes, penseurs du monde entier se retrouvent dans les patios fleuris. Même les chats semblent alors feuilleter des romans entre deux siestes.
Mais d’autres événements ponctuent le calendrier : la Festa do Divino mêle danses, musique sacrée et processions chamarrées ; et ne parlons même pas du Carnaval, qui ici se dilue davantage dans les traditions locales que dans les paillettes de Rio. Il se peut bien que, sans rien avoir prévu, vous vous retrouviez embarqué au détour d’une rue dans une fanfare improvisée, un verre de cachaça dans une main, une maracas dans l’autre.
Aller plus loin : Trindade et les plages secrètes
Et si les ruelles et les îles de Paraty ne suffisent plus, filez vers Trindade, petit village côtier situé à une vingtaine de kilomètres plus au sud. Ici, la route se fait sinueuse, les plages se font sauvages, et les couchers de soleil deviennent intimes. La Praia do Sono, accessible à pied ou par la mer, mérite largement son nom : une crique isolée, bordée de jungle, sans réseau téléphonique. Le rêve pour ceux qui veulent décrocher — vraiment.
Pour les plus intrépides, d’autres sentiers mènent à des coins encore plus reculés : Antigos, Antiguinhos, ou encore la praia de Ponta Negra. Autant de promesses de solitude dorée, nimbée de sel et de sable chaud.
Derniers mots sur un parfum de sel et d’histoire
Paraty ne se consomme pas en ligne droite. On y tourne en rond avec plaisir, comme ivre d’un rhum littéraire et mariné de chlorophylle. C’est un voyage qui prend le temps, qui se déguste à petites gorgées, entre discussions sous un auvent coloré et escapades en pirogue guidées par le chant des grenouilles.
Peut-être que le vrai luxe, ici, c’est le silence au sommet d’un mirador, le poisson grillé sur une plage vide ou cette vieille dame croisée au pas de sa porte qui vous offre un sourire franc sans rien attendre. Alors que le monde court, Paraty, elle, nous apprend à rester. Voilà, sans doute, ce qu’elle a de plus précieux.