Imaginez un archipel suspendu sur l’Atlantique, quelque part entre les vents d’ouest et les murmures du vieux continent. Les Açores, cet enchevêtrement d’îles volcaniques, semblent flotter entre ciel, mer et lave refroidie. L’été y est un entre-deux : le calme avant la fureur hivernale, la lumière dorée sur les crêtes noirâtres, et une nature exubérante qui donne l’impression que les dieux l’arrosent eux-mêmes à grandes lampées de pluie fine.
Si vous cherchez une destination où les volcans tutoient les cieux et les lacs brillent comme des joyaux dans des cratères endormis, embarquez le sac à dos, de bonnes godasses et une âme curieuse : l’archipel des Açores vous attend.
Un archipel, neuf visages et mille paysages
Composé de neuf îles principales, l’archipel est divisé en trois groupes : oriental, central et occidental. Toutes ont leur propre caractère — de la rugueuse São Jorge à la douce Santa Maria, en passant par la géante Pico et ses 2351 mètres d’altitude. On ne visite pas les Açores, on les explore comme un carnet rempli de pages surprises.
São Miguel : la porte d’entrée verte et fumante
C’est souvent par là que l’histoire commence. São Miguel, la plus grande et la plus accessible des îles, est une explosion de verts – des prairies ondoyantes, des forêts tropicales embrumées, et des lacs de cratère émeraude.
- Sete Cidades : Deux lacs jumeaux, l’un vert, l’autre bleu, se blottissent dans le cratère d’un ancien volcan. La légende parle d’un amour interdit entre une princesse aux yeux émeraude et un berger aux yeux azur… La vue depuis le belvédère de Vista do Rei est digne d’un conte.
- Furnas : Là, la terre fume. Au bord de son lac, les habitants cuisent le fameux cozido das Furnas, un ragoût déposé sous terre dans des marmites enfoncées dans le sol chaud. Un dîner à même les entrailles de Gaïa.
- Terra Nostra : Après le ragoût, plongeon dans le bassin thermal couleur ferrugineuse du parc Terra Nostra. Bouillant et odorant, il remplit les muscles de soupirs.
Astuce de marin : louez une voiture pour parcourir les collines, mais n’ayez pas peur de vous arrêter au gré d’un sentier. Tous les chemins ne sont pas sur la carte, mais presque tous vous mènent à une cascade.
Pico : l’île au sommet des nuages
Ici, pas de demi-mesure. Le Mont Pico, plus haut sommet du Portugal, règne en maître sur l’île éponyme. C’est une terre rude, bâtie par la lave, fouettée par les vents et domptée par les vignes.
- L’ascension du Pico : 7 à 8 heures de rando, un jour ou une nuit selon votre choix. Atteindre son sommet au lever du soleil, c’est s’immerger dans une mer de nuages, les pieds sur de la roche qui semble encore tiède.
- Les vignes de Lajido : Classées à l’UNESCO, ces vignes sont protégées du vent par de bas murets en basalte. On y produit un vin minéral, presque tranchant. À déguster au coucher de soleil avec quelques tranches de fromage cru et des olives fripées.
Si le Pico vous effraie, pas de panique : toute l’île est un poème à ciel ouvert. Observer les cétacés au large ou simplement se perdre sur les routes entre pierre noire et mer métallique suffit à vous faire sentir infiniment vivant.
Faial : escale des marins et cactus bleus
Juste en face de Pico, Faial incarne l’esprit marin. Son port, Horta, est célèbre pour le Peter Café Sport, un bistrot mythique où les navigateurs du monde entier laissent leur trace.
- Le port d’Horta : Chaque voilier qui y fait escale peint un souvenir sur les murs. Une ode aux voyages, aux tempêtes évitées et aux amitiés formées entre deux océans.
- Le volcan Capelinhos : Une coulée de cendre figée dans le temps, souvenir d’une éruption en 1957. Le musée consacré à l’événement semble planté dans un désert lunaire, entouré de silence et de sel.
Sur Faial, les buissons d’hortensias ajoutent des touches de bleu aux paysages. C’est presque irréel, comme si la nature avait piqué l’encrier du ciel pour écrire son propre roman fleuri.
São Jorge : l’île des fajãs et des draps de nuages
Moins connue, São Jorge est l’une des plus tranquilles et des plus mystérieuses. Elle se distingue par ses fajãs, ces langues de terre descendues des falaises, coincées entre montagne et océan.
- Fajã da Caldeira do Santo Cristo : Accessible uniquement à pied ou à VTT, cette fajã semble hors du temps. Pas d’accès routier, quelques maisons basques des Açores, et un lagon paisible où l’on trouve… des palourdes !
- Les fromages : São Jorge produit le meilleur fromage de l’archipel, corsé et affiné. Si vous croisez un local avec une charrette pleine de meules rondes, suivez-le — il vous mènera peut-être à la ferme d’un artisan généreux en sourires et en morceaux à goûter.
Terceira : entre tradition et volcans éruptifs
Terceira est à la fois la plus festive et la plus authentique des îles. Ici, la culture populaire est vivace, les fêtes de rue battent leur plein en été, et l’architecture coloniale colore les villes de tons pastel.
- Angra do Heroísmo : Classée au patrimoine mondial, cette ville est un bijou d’élégance baroque. Ses ruelles pavées, ses balcons fleuris, et son atmosphère bourgeoise rappellent les cités portugaises du XVIIe siècle.
- Algar do Carvão : Un tunnel de lave vertical qu’on descend par escaliers dans l’ancien ventre d’un volcan. Grotte invraisemblable, humide et vibrante, où pendent des stalactites comme des chandeliers pétrifiés.
Un petit mot sur les corridas açoréennes, sans mise à mort : ici, la tauromachie est plus joueuse que mortelle. Les taureaux sont attachés à de longues cordes, permettant parfois de vertigineuses acrobaties villageoises (et quelques bains improvisés dans les fontaines… attention aux sabots !).
La météo, cette diva imprévisible
L’été aux Açores n’est pas toujours synonyme de ciel immaculé. Attendez-vous à quatre saisons en une journée, des averses furtives aux percées lumineuses théâtrales. Mais c’est ce climat instable qui façonne ces paysages à couper le souffle. Un conseil : ne faites jamais confiance à la météo du lendemain, partez toujours avec un coupe-vent et le sourire en bandoulière.
Goûter l’archipel, une bouchée à la fois
L’exploration ne s’arrête pas aux sentiers volcaniques. La cuisine des Açores est une ode à la rusticité simple et généreuse. Poissons grillés, poulpes mijotés, pains à la patate douce, confitures d’ananas et fromages puissants – il y a de quoi intriguer les papilles les plus curieuses.
- Bife à regional : Un steak locaux garni d’ail et baignant dans un jus épicé. À déguster avec les frites maison ou du riz au beurre.
- Pudim de feijão : Flan aux haricots sucrés. Étonnant, mais adictif.
- Thé de Gorreana : Unique plantation de thé d’Europe, située à São Miguel. À déguster sur place, en regardant les nuages courir sur les collines.
Embarquer aux Açores, c’est embarquer en soi
Les Açores ne sont pas une destination Instagrammable comme une autre. Elles demandent un peu d’effort, beaucoup d’humilité, et surtout une envie d’ouvrir les yeux et les narines. Le chien qui vous escorte sur dix kilomètres de sentier, le vieil homme au béret vous expliquant la météo en scrutant les oiseaux, les haies d’hortensias fleuries comme des aquarelles vivantes – ici, chaque détail a un goût d’éternité.
Alors, levez l’ancre. L’été est court mais les souvenirs açoriens, eux, sont persistants comme l’écume sur les rochers noirs. Et entre deux averses et trois fumées de volcan, on y trouve bien plus que des beaux paysages : on y trouve un peu de soi, jeté en pâture à la mer et au vent.