Entre falaises et piments d’Espelette : bienvenue à Biarritz
C’est un matin comme les autres sur la côte basque : les rouleaux viennent mourir en écume sur la Grande Plage, les mouettes se disputent quelques miettes de croissant abandonné, et quelque part dans une ruelle, une cafetière italienne gronde sur un feu. Biarritz, ce bijou du sud-ouest, offre ce ballet quotidien depuis des siècles, entre splendeur maritime et enracinement basque. Ici, les montagnes espagnoles embrassent l’horizon, les pêcheurs d’hier ont cédé la place aux surfeurs, et les palais affluent dans le sillage des césariennes balnéaires de l’époque impériale.
Alors, que faire à Biarritz, quand on veut en goûter la moelle et l’écume, sans simplement y passer comme un touriste pressé ? Suivez-moi, entre tapas, planches de surf et sentiers côtiers. Et surtout… laissez-vous porter par ce vent du sud qui sent bon l’iode et le piment.
Flâner sur le Rocher de la Vierge
Avant toute chose, montez jusqu’au Rocher de la Vierge. C’est un peu le cœur battant de Biarritz. Relié par une passerelle métallique (signée Eiffel, paraît-il), ce promontoire offre une vue à couper le souffle sur toute la côte basque… jusqu’aux premiers reliefs pyrénéens, et par temps clair, jusqu’aux fantômes de l’Espagne.
C’est un endroit à visiter tôt le matin ou à l’heure dorée, lorsqu’on entend presque les baleines soupirer au large. Là, les Biarrots viennent prendre l’air, faire une pause, se souvenir d’un grand-père marin ou d’un premier baiser adolescent. Le vent vous caresse le visage ? Vous y êtes.
Dévaler la Côte des Basques, planche sous le bras
Parce que Biarritz sans surf, c’est un peu comme Saint-Malo sans marée. Débutez, si vous le souhaitez, en simple spectateur – les marches de la côte des Basques offrent un panorama idéal pour observer les rois et reines de la vague danser au rythme de la houle atlantique.
Mais si l’appel du large vous pince les tripes, il existe mille écoles pour apprendre à rester debout une seconde de plus à chaque tentative. Tout en bas, une poignée de moniteurs bronzés vous transmettront, avec l’accent du Sud-Ouest, l’art de lire les vagues. Les vagues ici ne mentent pas : elles vous parlent d’humilité.
Goûter aux saveurs du marché des Halles
On ne découvre vraiment une région qu’en partageant un plateau de fromage et un verre de vin sous une halle bruissante. Et à Biarritz, le marché des Halles est un petit théâtre où se joue chaque jour la comédie gastronomique basque. On y croise les anciens du coin, qui exigent leur fromage de brebis affiné juste ce qu’il faut, et les jeunes épicuriens qui s’enthousiasment devant des pintxos de foie gras poêlés sur tranches de pain grillé.
Ne partez pas sans avoir goûté :
- Un taloa au ventrèche bien croustillant
- Des piments doux d’Anglet poêlés avec de l’ail
- Une part de gâteau basque à la crème – ou à la cerise noire si vous voulez éviter les débats
Et si l’envie d’un apéro vous titille, attablez-vous au comptoir d’un des nombreux bars autour, un verre d’Irouléguy ou de Txakoli à la main, les yeux posés sur le va-et-vient des paniers remplis de trésors.
Marcher, marcher, marcher… sur le sentier du littoral
Il y a des balades qui apaisent les colères intérieures. Le sentier du littoral, entre Bidart et Bayonne, en est une. Depuis Biarritz, longez l’océan, tantôt au-dessus des falaises, tantôt sur des plages où les galets chantent sous vos pas. On croise de vieux bunkers tagués, des pêcheurs de dorades, des enfants en cirés jaunes jouant face à l’Atlantique comme s’ils défiaient le monde entier.
À un détour, un petit port, à un autre, un restaurant caché dans une crique. L’avantage ? Ces kilomètres ne se sentent pas. On oublie le temps. Le souffle entre en cadence avec les vagues et, parfois, on croit même entendre le chant basque d’un berger venu du fond des âges.
Plonger dans l’histoire au musée de la mer
Juste en face du port des pêcheurs, posé comme un phare solide, le Musée de la Mer vous invite à comprendre la relation charnelle entre Biarritz et l’océan. Avant que les planches de surf ne deviennent mode de vie, il y avait ici pêche à la baleine, tempêtes, naufrages et courage.
Outre les aquariums hypnotiques et les phoques qui vous scrutent de leurs grands yeux de philosophes marins, on y découvre une histoire fascinante de navigation, de faune aquatique et de légendes locales. Le genre de lieu qui ravive l’envie de lire Jules Verne et de construire un radeau avec trois bouts de ficelle.
Se perdre dans les vieux quartiers
Biarritz, ce n’est pas que la côte et la jet-set. C’est aussi le quartier Saint-Charles, un brin bourgeoise mais toujours vivante, ou encore le quartier Beaurivage qui a vu défiler des générations de pêcheurs. Entre balcons fleuris, odeurs de linge propre et escaliers abrupts, on s’y sent transporté dans un autre temps.
Chaussez de bonnes baskets, et explorez ces venelles où l’on entend parler autant le basque que l’espagnol. Ouvrez l’œil — un chat alangui près d’un volet entrouvert, une fresque murale, une échoppe colorée. Ce sont souvent les détails qui font les plus riches souvenirs.
Saluer le coucher de soleil depuis le phare
Perché à la pointe Saint-Martin, le phare de Biarritz n’est pas seulement un repère pour les marins. C’est un lieu de rendez-vous avec le ciel. Monter ses 248 marches (autant vous le dire, ça travaille les mollets), c’est s’offrir une vision presque sacrée du golfe de Gascogne qui s’étire à l’infini.
Mais la magie opère aussi en bas. Nombreux sont celles et ceux qui viennent ici avec un plaid, une cannette ou une bouteille de rouge, et de quoi grignoter, pour regarder le soleil fondre dans l’Atlantique comme une flamme dans un grand bol d’huile. C’est simple, vrai, beau.
S’échapper le temps d’une journée à Guéthary ou Saint-Jean-de-Luz
Biarritz est une oasis, mais autour, les perles ne manquent pas. Filez donc en train local jusqu’à Guéthary – minuscule village de carte postale où les surfeurs dominent la mer depuis les anciennes maisons de pêcheurs reconverties en galeries d’art et petits cafés.
Ou bien poussez jusqu’à Saint-Jean-de-Luz, ville de corsaires, d’histoire franco-espagnole et de douce agaille. Prenez le temps de savourer un merlu à l’espagnole sur le port, ou flânez dans les anciennes rues commerçantes tapissées de lin et de cuir.
Biarritz, entre racines et embruns
Il y a dans cette ville une tension agréable entre tradition et modernité. Un respect des racines basques, farouches et fières, et une ouverture à l’ailleurs, qui vient avec le vent et les visiteurs. Tout ici parle d’attachement : celui à la terre, à la mer, aux mots du passé qu’on continue de murmurer dans les bars, entre deux verres de Patxaran.
Biarritz ne se visite pas. Elle se goûte, elle se respire, elle se traverse, comme une vague : il faut l’appréhender, s’y immerger sans retenue et peut-être, qui sait, ressortir un peu plus salé, un peu plus vivant.